HOMELIES DU PELE PAR Mgr REY
SAMEDI 1 ER JUILLET
Au cours de ce pèlerinage à Cotignac, en traversant les collines ombragées de Provence, avec le chant des cigales et une chaleur parfois accablante, vous avez mobilisé vos corps pour affronter la fatigue, vous avez prié pour offrir à Dieu vos joies et vos épreuves. Vous avez confié au Seigneur le passé qui souvent nous encombre, le présent qu’on a parfois du mal à assumer, le futur qui peut se dérober ou s’assombrir.
La foi nous rejoint par le bas et vers le haut. Par le bas, à partir de nos racines personnelles (depuis le jour de notre baptême), à partir de structures familiales et amicales qui nous soutiennent, des bases culturelles et mémorielles qui imprègnent notre éducation et notre histoire.
La foi s’énonce aussi par le haut, comme un appel au dépassement de soi. Un pèlerinage constitue ainsi une opportunité pour retrouver un idéal, un nouveau souffle. Mobilisés par la quête narcissique de confort, absorbés par la routine du quotidien, nous avons du mal à donner une intensité à notre vie, à respirer l’air pur des sommets. Nos âmes végètent, emportées par le tourbillon de l’action, absorbées par la superficialité. Elles demeurent si souvent en friche.
Mais ce n’est pas nous qui grimpons jusqu’à Dieu pour prendre sa place, c’est lui qui, dans le Christ, est venu à notre rencontre pour nous ouvrir l’accès à la patrie du Ciel.
Oui, la foi (comme celle de Marie par son fiat) accueille, par l’Incarnation, la venue du Christ en nos vies pour nous entraîner jour après jour, sur le chemin pentu et escarpé (parfois chemin de Croix) qui nous conduit à Dieu.
Le Christ est à la fois avec nous, en nous, il nous accompagne ; et Jésus se trouve aussi devant nous, il nous précède. Il nous entraîne. Nelson Mandela, dans son discours d’investiture en 1994 disait « Vous restreindre, vivre petit, ne rend pas service au monde… En vous libérant de votre propre peur, votre présence libère automatiquement les autres ». Nous avons la responsabilité de ne pas voler les rêves, l’espérance et les joies aux personnes qui nous sont confiées. Et pour ce faire, nous avons la responsabilité de ne pas étouffer les rêves qui sont en nous.
Cette ascension vers Cotignac que vous avez vécue dans un climat de recueillement, de conversion et de fraternité, constitue ainsi une parabole éloquente de la foi qui passe par les pieds, mais qui nous élève vers les Cieux. Le contact avec le sol parfois aride, la confrontation à nos propres limites physiques… nous ramènent au mystère de Nazareth, avec Marie et Joseph, honorés particulièrement ici à Cotignac, (en épousant, en assumant notre condition humaine, le Christ est descendu et descend encore jusque dans nos fragilités, jusque dans la mort). La foi n’est jamais hors sol. Elle doit s’inscrire dans le réel de notre existence, dans notre manière d’être au quotidien. Elle suscite un art de vivre comme chrétien en ce monde. Elle constitue un socle, un point d’appui pour porter notre ascension jusqu’à Dieu. Ascension dont le ressort est la résurrection du Christ.
Ces journées de marche, d’effort, d’ascèse, de mortification, de partage, pour se dégager des routines, des addictions, des banalités et des retours sur soi qui accaparent nos vies, vous ont permis de retrouver une force d’âme, un tempérament, une volonté ferme de vous réformer, d’acquérir ou de retrouver une énergie, des vertus viriles en refusant les compromissions et les capitulations, les paresses et les découragements.
Un homme de caractère est résolu, pour entreprendre et avancer ; fort, pour résister. Il n’est pas le jouet des évènements et des humeurs. Il fait tout pour connaitre son devoir d’état, l’assumer et l’accomplir.
Face aux impressions du dedans, parfois aux dépressions, et à nos états d’âme ; face aux pressions du dehors, le chrétien doit demeurer libre en agissant toujours avec prudence, vaillance, détermination. Il doit résister à la flagornerie et aux frivolités mues par l’instinct ou le caprice.
D’un côté la foi enracine et de l’autre, elle transporte. Elle transporte à partir d’un idéal qui, par l’action de l’Esprit Saint, élève, soulève, mobilise l’existence vers le vrai, le bon, le beau. Cet idéal n’est en rien une projection de soi mais une aventure qui prend sa source en Dieu et se définit par la charité. La foi nous invite à « passer sur l’autre rive » en sortant de nous-mêmes et de nos fictions et de nos frustrations. Ni l’apathie, ni l’utopie ne peuvent nourrir notre vie.
Chacun de vous, chers pèlerins - comme homme, époux, père - porte en vous-même un désir profond d’aimer et d’être aimé, un désir d’être fécond, de bâtir une famille solide, de servir les autres et de les faire grandir, de s’engager pour le bien commun et la solidarité envers les plus fragiles. L’autre m’oblige toujours.
Porter durablement un tel idéal mu, non par l’exaltation de soi mais par le souci de l’autre, requiert 3 attitudes :
1 – D’abord une volonté forte
Notre bonheur dépend de notre capacité à nous mettre en route et à nous engager d’un pas décidé. Il n’est pas possible de devenir un homme, un époux, un père, de nous engager à nous perfectionner, de canaliser notre énergie, sans la claire décision de prendre notre vie en main. Pour aller là où notre cœur nous conduit, il faut « quitter nos divans et chausser ses crampons » comme le dit le pape François. Le caractère fait passer du projet à la décision, de la décision à l’action, en bravant les peurs et les menaces, en résistant à la facilité, en ne cédant ni au fatalisme, ni à la passivité, ni à la fuite en avant. Nos contemporains privilégient souvent le cocooning, la gratification, la protection. On consomme de façon compulsive des émotions en quête d’être sans cesse materné et émasculé. Dans un discours à la jeunesse, le général Mac Arthur disait en 1945 « On devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l’âme ». Emascule.
Chers pèlerins, ne soyez pas seulement des gestionnaires mais aussi des visionnaires.
Si l’on veut faire preuve d’abnégation, le courage est requis. Courage dont parle l’Ecriture dans les adresses de Dieu à son peuple « Courage, soyez fort » (Dt 31,6), « Courage ô mon peuple » (Bar 4,5), et que Jésus reprend dans l’Evangile « Courage j’ai vaincu le monde » (Jn 16).
Charles de Montalembert écrivait déjà au 19ème siècle « Ce qu’il manque aux chrétiens, c’est le courage ». « Ce courage d’avoir peur » dont parlait le père Moulinié en suivant le Christ en agonie qui traverse la mort. Pour persister dans nos efforts jusqu’à ce qu’ils aboutissent, il faut la persévérance. Ne jamais céder à la désespérance qui peut conduire à la violence, une violence parfois incandescente, comme en témoigne l’actualité de ces jours avec ces émeutes urbaines et ses scènes de pillage. Saint Bernard disait que la persévérance est la vigueur des forts et le couronnement de la volonté, à la condition qu’elle ne soit pas présomptueuse par rapport à nos capacités.
2 – Pour aller jusqu’au bout de soi-même, il faut ensuite nous entourer de grandeur, fréquenter et nous adosser à des figures exemplaires qui incarnent ce courage, ce caractère fort. Les personnes habitées par une passion, une vision, sont appelantes. La vie du Christ en témoigne. C’est la grandeur qui inspire la grandeur. Les saints, les héros du passé, ces témoins tutélaires, peut-être dans notre entourage, dans nos familles, nos parents, qu’on a pu fréquenter, nous tirent vers le haut, vers le meilleur de nous-même, pour accoucher de nous-même. Il convient de nous en imprégner, de nous en inspirer, non par mimétisme en répétant à l’identique, mais pour avancer à partir de notre propre créativité « Dieu ne sait compter que jusqu’à un » (proverbe juif). L’Eglise est riche et belle de tous ces tableaux de saints et de martyrs, portant et déployant chacun leur charisme propre. L’Eglise nous invite dans leur sillage à nous mettre à la suite du Christ, au service d’autrui, jusqu’à donner notre vie pour le salut de tous. Rappelons-nous les paroles de Matthieu (20, 6). « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être, le premier parmi vous, se fera votre esclave. Ainsi le Fils de l’Homme n’est pas venu sur terre pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». La vraie grandeur se déploie par l’humilité, le sacrifice de soi et par la charité. Comme le disait Mère Térésa « Ne laissez jamais quelqu’un s’approcher de vous, sans repartir meilleur ou plus heureux ».
3 – Enfin, tout chemin de foi requiert une juste connaissance de soi-même. Le précepte gravé sur le temple de Delphes « Connais-toi toi-même » doit nous interpeler. Nous ne pouvons pas rester étranger à nous-même. Le philosophe Sénèque recommandait à ses disciples de se poser trois questions : « Aujourd’hui, de quel défaut je me suis corrigé ? Quel vice ai-je combattu ? Quel progrès ai-je accompli » ?
Il s’agit d’aller dans les détails, examiner les mobiles profonds de nos actions afin de connaître la cause réelle de nos échecs ou de nos victoires, en consentant à chaque fois à se remettre en cause.
Comment pourrions-nous grandir en unité de vie, en exemplarité, en cohérence intérieure si, à la lumière de l’Evangile, nous ne nous prêtions pas à cet examen de conscience, à cet exercice de relecture, de mémoire et de discernement qui consiste à confronter notre existence à notre idéal et à nos convictions à l’appel du Seigneur.
Pour se livrer à cet exercice et sans tomber dans une introspection narcissique, n’oublions jamais que l’autre est le meilleur moyen de se connaître soi-même, en vérité et avec justesse. Telle est la grâce du mariage et la force d’une vie fraternelle. C’est à partir de cette connaissance de soi que nous devons prendre les résolutions pour ajuster et affiner notre comportement. Devenir maître de nous-même, assumer notre vocation et rendre féconds nos engagements. Sinon on s’enlise et on piétine dans ses habitudes, et l’on ne parvient jamais à devenir soi-même dans un contexte médiatique où priment des modèles auxquels la bien-pensance presse de nous conformer et identifier ?
Chers pèlerins, votre route ne s’achève pas à Cotignac. Elle vous ramène vers les vôtres, votre épouse, vos enfants, pour les entraîner à leur tour sur les traces de la Sainte Famille de Nazareth (avec humilité, charité, courage, fidélité), sur le chemin du vrai bonheur. Ce bonheur que l’homme ne peut se donner à lui-même, s’il ne le reçoit de Dieu. Bonheur qu’on ne trouve qu’en marchant à la suite du Christ et en devenant pour notre monde des prophètes d’espérance, courageux et fidèles.
+ Dominique Rey
Sanctuaire Notre Dame de Grâces
1 juillet 2023
DIMANCHE 2 JUILLET
Au cœur de ce temps de pèlerinage, vous avez pris de la distance avec vos occupations familiales et professionnelles, mais également avec les agitations et les turbulences d’un monde en crise, non seulement environnementale mais en crise d’identité, d’humanité, d’espérance.
Sur ces chemins parfois escarpés qui vous ont conduit à Cotignac, votre corps, votre esprit, votre âme ont été mobilisés pour vous ressourcer, vous recentrer, vous relancer dans la foi, l’espérance et la charité.
Cette démarche n’est pas sans rapport avec la spiritualité de ce sanctuaire, marqué par l’esprit de la Sainte Famille de Nazareth, mais aussi avec le cadre national où les apparitions de Marie et Joseph ont eu lieu aux 16ème et 17ème siècles. Ces collines boisées de Provence et ces vignobles plantureux que vous avez longés et traversés parlent du Créateur, et c’est dans ces coteaux que Dieu s’est manifesté.
La relation avec le Seigneur éclot et se nourrit de la contemplation de la nature, du cosmos. Et ce n’est pas pour rien que les communautés contemplatives se sont implantées à travers l’histoire du christianisme dans des sites naturels préservés qui convoquent au silence, à l’extase.
La beauté de la Création signe la présence de Dieu. Dieu se donne à nous par sa création. Il l’expose et s’expose. Cette beauté accessible par les sens élève l’homme vers Dieu en tant que Créateur, mais aussi en tant que Beauté suprême. Dieu qui a donné tant de beauté à la Création, est lui-même Beauté, Beauté incréée.
Ainsi la beauté de la Création est signe d’une perfection plus haute : une beauté sans limites, sans contingence, sans corruption.
La beauté terrestre éveille en nous le désir d’absolu. C’est ce que souligne la philosophe Simone Weil : « la beauté séduit la chair pour obtenir la permission de passer jusqu’à l’âme ».
Ce désir d’absolu que nous ne trouvons pas dans les réalités terrestres, dépasse nos sens et s’adresse à notre âme spirituelle.
Ce désir d’absolu nous convie également à nous affranchir des canons esthétiques que nous imposent les modes du moment.
Je pense à cette réponse d’un prêtre à une femme entendue en confession. Elle avouait à ce confesseur son péché de vanité : « Mon père, je passe des heures à me mirer devant ma glace en me disant à moi-même que je suis belle, que je suis belle. Le prêtre prend alors soin de la regarder en considérant sa plastique. Et il lui répond alors Madame, ce n’est point un péché mais une erreur ».
Au début de son ministère pétrinien, Benoît XVI avait parlé de la « beauté » pour exprimer l’appartenance au Christ « Nous rencontrons dans le Christ, celui qui, en chair et en sang, de façon visible et historique, a apporté la splendeur de la gloire de Dieu sur terre. C’est à lui que s’appliquent les paroles du psaume 44 « Tu es le plus beau des enfants des hommes », Benoît XVI, reprenait alors à son compte une expression de St Bonaventure « Le Christ est la beauté de toute beauté » (cf. Jn 15,13). Grâce à lui, ajoutait le pape « se révèle la beauté de l’homme qui, créé à l’image de Dieu, est régénéré par la grâce destinée à la gloire éternelle. N’est-ce pas la beauté que la foi a engendrée sur le visage des saints et qui a poussé tant d’hommes et de femmes à en suivre les traces ! La fusion extraordinaire entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain rend la vie belle ».
Récemment, en participant à la messe de funérailles d’un chrétien engagé, j’entendis les confidences de plusieurs de ses proches qui ramassaient dans une formule lapidaire la qualité de ce que fut le témoignage de sa vie : « Il a eu une belle vie ». Une alchimie de profondeur, de cohérence de vie, de paix intérieure, de don de soi. Ses amis décelèrent spontanément dans le témoignage qu’il avait vécu et donné aux autres, une expression de la beauté de Dieu. « Il a eu une belle vie chrétienne ». Beauté qui transparaissait à l’heure de son déclin.
Un film américain est sorti il y a quelques années, « l’étrange histoire de Benjamin Button ». Grâce à des effets spéciaux, on découvre le destin d’un homme qui naît vieux et rajeunit jusqu’à sa mort, en total décalage avec le monde qui l’entoure. Un récit qui remonte le temps. Une existence vécue à l’envers. Cette histoire romantique se présente en réalité comme une fable philosophique, mais aussi comme une leçon spirituelle. Il s’agit d’inverser le cours chronologique des choses, afin de retourner à l’origine, de remonter à la source. Il en va ainsi de la « beauté » de la vie qui est un cadeau du Ciel. Une beauté qui ne se fabrique pas mais qui se reçoit, s’accueille, se recueille.
Je pense à l’accueil du nourrisson que les bras de ses parents accueillent avec un mélange d’éblouissement, d’innocence, d’extase face à cet être, fruit de leur amour et qui les rapporte au cadeau de la vie et à sa beauté. « Quand je me présenterai à Dieu, c’est l’enfant que je fus qui me précèdera », disait Bernanos.
La beauté est un don mais aussi un appel à retrouver cette beauté originelle que nous avons égarée ou pervertie en chemin. « Si vous ne devenez pas des petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume de Dieu » disait Jésus. Il s’agit de retrouver l’esprit d’enfance (Ste Thérèse de Lisieux), de retrouver notre beauté première de créature faite à l’image et à la ressemblance de Dieu (« Dieu vit que cela était beau » Gn.). « Dès le sein de ta mère, je t’ai appelé », chantera le prophète Isaïe.
Mais la beauté trouve son couronnement et son accomplissement lorsque nous remontons à Celui qui en est l’origine, la source, le point de départ.
Tel est le témoignage qu’apporte la Vierge Marie. En accueillant Jésus, le plus beau des enfants des hommes, elle consent à Dieu qui lui confie son Fils éternel. Telle est aussi la beauté de toute vie chrétienne : se livrer à Jésus sans réserve et sans restriction. Dire « oui au cadeau qu’est notre vie ». Et dire à Dieu « me voici ». Lorsque retentit notre « oui » à Dieu, qui est source de toute beauté, nous renonçons librement à d’autres formes de valorisation, d’épanouissement humain parce que nous avons compris que la liberté, ce n’est pas de faire n’importe quoi de sa vie, mais la rendre disponible pour le choix de Dieu. La beauté de la mise à disposition de notre vie tient autant à la radicalité (tout pour Dieu seul) qu’en la fidélité qu’elle implique (« Celui qui regarde en arrière n’est pas digne du Royaume de Dieu »). L’amour rime avec toujours. Le don de soi n’est pas un prêt.
La beauté du chrétien à la suite de la Vierge, est de se prêter à l’action de la grâce, pour être habité du dedans par Dieu. Le Christ imprime au plus intime de notre être, depuis le jour de notre baptême, sa présence indélébile, sa charité, qui qualifie, oriente et finalise notre existence. Cette beauté est cachée, intérieure, discrète. Elle est le secret et l’intimité du chrétien avec son Seigneur. Sa marque de fabrique. Son ADN. Elle le rend capable d’agir et de parler, habité par l’Esprit-Saint.
Mais n’oublions jamais que la beauté du Christ éclate dans sa passion. C’est quand le Christ est le plus défait qu’il est le plus parfait. L’icône du Crucifié au visage défiguré contient pour qui veut le contempler, la suprême beauté de l’amour. La beauté d’un être se révèle dans l’offrande de soi, une beauté qui s’accomplit dans la douleur. Une beauté qui assume le tragique de la condition humaine, comme François d’Assise qui contemple la beauté du Christ dans la création, tout autant que dans le lépreux qu’il embrasse. Comme Bernadette au visage maculé de boue pour dégager, à la grotte de Lourdes, la source qui y coule encore. La beauté du Christ éclate toujours dans le mystère pascal et dans le don de soi (Beauté des mariés, beauté du prêtre).
La beauté d’un être jaillit de l’intérieur. Un être habité par la présence du Christ distille de la beauté autour de lui dans ses moindres gestes, sa posture, son regard, le son de sa voix, dans la façon d’être… afin d’entraîner les autres à la rencontre du Ressuscité.
La mission du chrétien est d’éveiller dans le cœur de ceux qu’il côtoie et qu’il rencontre le sens de la beauté, de faire accéder chacun à une qualité d’être, à une existence traversée et sculptée par l’amour. En définitive, il s’agit d‘aider chacun à faire de sa vie une œuvre d’art, à retrouver l’estime de soi, car quelles que soient les tribulations de la vie, le Christ nous espère toujours. Notre foi en Lui garantit le bonheur de le suivre. Notre foi dans le Christ nous libère de cette laideur qui altère, qui avilit, qui enlaidit notre ressemblance avec Dieu et qu’on appelle le péché.
Chaque baptisé est aussi acteur de la beauté de la communauté chrétienne. Un document du Conseil Pontifical pour la Culture appelle l’Eglise, « le peuple de la beauté qui sauve », notre responsabilité missionnaire est de faire éclore entre tous et à l’égard de tous, cette beauté de la charité fraternelle. Ne parle-t-on pas ainsi d’une « belle communauté », signifiant par-là, que la vie théologale des chrétiens y est rayonnante, empreinte d’attention pour chacun et au service de tous ?
On pourrait appliquer à nos familles et à nos communautés chrétiennes ces lignes de Georges Bernanos à propos de la Providence divine « Nos pauvres vies, avec leurs travaux, ne sont rien par elles-mêmes, comme des mots détachés du texte. Mais Dieu en compose de majestueux poèmes et les fait rimer entre elles, quand Il lui plait et selon son inspiration ». Nous sommes tous garants de cette syntaxe que doivent réaliser chacune de nos familles et nos communautés chrétiennes. Nous sommes redevables de leur harmonie et de leur cohésion.
Chers pèlerins, le chrétien n’est pas appelé toujours à se tenir à l’avant-scène, sous les feux de la rampe, en cherchant à briller comme l’idole et à se complaire en un éclat médiatique. Bien souvent, le chrétien se tient en retrait et réfracte autour de lui la lumière qui le traverse et dont il désigne la source : le Seigneur.
C’est ce rayonnement de votre être, mû par la charité et là où Dieu vous a placés, que l’Eglise, que vos familles et que le monde attendent de vous. Votre mission est d’embellir le monde par la densité de votre charité. « C’est cette beauté qui sauvera le monde ». (Dostoiewsky)
+ Dominique Rey
Sanctuaire Notre Dame de Grâces
2 juillet 2023